Mante et Serpent [Topic 3]

Quelques jours étaient passés depuis le retour d'Anne à l'organisation. Elle avait été accueillie avec une joie sans pareil, comme toujours. Il fallait dire que sa besace était emplie de curiosités alléchantes, tantôt commandées tantôt ramassées à l'improviste, et que les soldats étaient prêts à déverser quelques billets pour se les procurer. Nitilde n'avait pas encore eu l'occasion de rendre visite à cette jeune fille qu'elle ne connaissait au final que peu. Elles avaient pu bavarder à quelques reprises, rire ensemble, mais il fallait dire que la ferrailleuse passait le plus clair de son temps à marchander avec sa clientèle ou à pérégriner dans les décombres du vieux Paris. Puis, lorsqu'on la voyait au siège de l'OSC, elle rejoignait Kouzmitch. Un homme bien étrange que celui-ci. Outre le plaisir de retrouver une compagnie plaisante, Nitilde avait surtout hâte de savoir si Anne avait pu trouver la cloche d'embrayage qui lui faisait défaut dans la construction de sa moto.

Le siège de l'OSC était un édifice tentaculaire. Toute une aile était dédiée aux garages, que ce soit pour la construction ou le maintenance de bumpers, véhicules blindés, et tout autre engin motorisés. Les employés de cette branche avaient vite eu affaire à Nitilde durant l'enfance de celle-ci, et avaient constatés son étonnante versatilité. La gamine avait envie d'apprendre et se révélait douée pour peu que la motivation soit au rendez-vous. Du coup, ils la laissaient bâtir son deux-roues en toute tranquillité, dans un vieux débarras aujourd'hui inutilisé. Cette entreprise s'était avérée infructueuse les premiers temps. Plusieurs essais avaient été nécessaires avant qu'un moteur ne puisse se mettre en marche, voire qu'une roue se mette à tourner. Il fallait dire que Nitilde n'acceptait aucune aide de la part du personnel autrement plus qualifié qu'elle ; elle tenait à mener son projet de A à Z. Valentin l'avait vite appris et ne s'en formalisait pas. Il avait d'autre soucis.

 « ...Un autre vol qui semble être l'œuvre de la mafia fédérale... »

Le quinquagénaire faisait négligemment tourner sa télécommande dans les airs avant de la rattraper, et poussa un juron lorsqu'il la loupa de quelques centimètres. Il était sur les nerfs ces jours-ci, avec le nombre croissant de problèmes auquel il devait faire face. Dans un premier temps, ç'avait été cette annonce à la presse, qui s'impatientait d'obtenir des réponses aux questionnements soulevés par l'intervention publique de Limstella. Étant donné que le monde entier semblait vouloir mettre un nom sur « la rouquine balafrée », une fastidieuse explication avait du être inventée de toute pièce, pour en arriver au faux nom de Caitlin Lobs. Papiers, histoire, tout avait été édifié pour que Nitilde puisse utiliser cette identité en public. Venaient ensuite les interventions de plus en plus nombreuses de cette fameuse mafia dont ils peinaient à identifier les dirigeants. Enfin, la rumeur courait qu'un Chasseur était infiltré parmi eux. Que l'information soit véridique ou non importait peu. Un seul d'entre eux ne pourrait leur faire beaucoup de mal, et La Chasse ne représentait en soit qu'un danger minime. Mais quelqu'un tentait d'ébranler l'OSC, et cela ne présageait rien de bon. Valentin s'adressa à l'un de ses employés, comptable de son actif.

-Il nous faudrait des drones supplémentaires, qu'on puisse en permanence surveiller nos cargaisons de nihine. J'en ai plus qu'assez de me les faire piquer par une bande de clowns qui jouent aux mafieux. Et des fonds supplémentaires pour le bunker.

Le comptable, fort de son assurance, réajusta ses lunettes avant de répondre :

-Les fonds diminuent monsieur. On va devoir réduire les dépenses plutôt que de les augmenter.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Jusqu'à lors relativement calme, Valentin passa à une colère sans nom et se dirigea d'un pas rageur vers l'écran devant lequel se tenait son employé. Après quelques secondes, il se retrouvait sur la page de l'un des comptes bancaires de l'organisation.

-Plus de fond, mon cul. Il ferait beau voir ! Tiens, regardes-moi ça.

Valentin ajouta simplement un zéro après le chiffre des unités, décuplant en un instant les ressources financières dont il disposait.

-Monsieur, on ne peut pas simplement s'en réduire à ça.

-Bah voyons ! On a un pays à protéger, alors on va s'en réduire à ça. Maintenant commandez-moi ce que je vous demande, nom d'un chien.

La petite gueulante ne suffit pas à faire décolérer le directeur, qui alla s'asseoir sur une table non loin et prit sa tête entre ses mains. L'insubordination d'Ethan, la mafia, la crise des nano-cures, l'insistance de Vallen qui pointait du doigt le souci logistique de leur précédente excursion, c'en était trop. Beaucoup trop. Heureusement qu'Arthur avait eu sa petite idée. Aujourd'hui, c'était lui qui donnait les ordres de mission. Pour celle-ci, Mantis et Couleuvre avaient été convoquées et attendaient en rang à l'entrée d'une salle du second étage. Rigidité militaire oblige, les soldats des prédateurs arrivaient toujours plusieurs minutes à l'avance. Marianna Conrad, élancée, une longue tresse blonde se balançant depuis sa nuque jusqu'à son bassin, était à la tête de Couleuvre. Longtemps, cette équipe avait été l'une des plus adulées par le public, ce avant le début des retransmissions. On disait d'elle qu'elle représentait l'efficacité et la sûreté, et son bilan tendait à le prouver : seulement deux victimes militaires depuis son inauguration. Elle était encore aujourd'hui une valeur sûre, bien qu'Odonata tende à lui faire de l'ombre. Vallen remarqua la présence d'un nouveau membre au sein de leurs alliés du jour, un jeune homme aux cheveux coupés courts qui semblait particulièrement tendu. Il lui adressa un large sourire.

-T'en fais pas, le terrain peur paraître effrayant, mais lorsqu'on se bat à côté de nos amis, la peur s'envole.

D'autres approuvèrent et se chargèrent de prendre la suite, entamant une discussion des plus banales avec cet inconnu. Un regard en arrière apprit à Vallen qu'Amat répondait présent lui aussi. Il avait un air étrange. C'était l'un des seuls avec qui il n'avait pas tissé de lien fort. Celui-ci était à son sens nécessaire au travail d'équipe, mais il devait admettre que l'homme au chapeau s'en sortait très bien. Au final, ce couloir était empli de soldats des plus compétents. Anya, Marianna, Ethan, les Jumeaux, Amat. Il ne fallait pas prendre cette mission à la légère pour autant. Deux des quatre meilleurs prédateurs n'auraient pas été réunis si la difficulté n'était pas au rendez-vous. Arthur Gilipi ne tarda pas à faire irruption et les invita à entrer dans la salle parsemée de sièges, puis se plaça devant eux. Il était le genre d'homme à aller droit au but, ce qui ne déplaisait qu'à peu de monde.

-La mission va être délicate. J'ai besoin que vous rapportiez le plus de khaans vivant jusqu'à la base. On a grand besoin de les étudier. Vous le savez sans doute, ils peuvent se suicider au besoin. On va donc vous distribuer divers calmants, qu'on a fait avec Kouzmitch et Cahill. On ne sait pas si ça va marcher, faudra que vous testiez. Aucune idée du moment où on vous enverra, tenez-vous donc prêt. Ça risque d'être cet après-midi, selon nos prévisions des sauterelles devraient attaquer Barcelone. Des questions ?

C'était donc lui le fameux Valentin, LE boss de l'organisation. A dire vrai, il n’impressionnait pas autant Amat que ça, et à dire vrai, il s'attendait à quelqu'un d'un peu plus spectaculaire. On lui avait dit que Valentin était une personne sympathique, mais pouvait littéralement "exploser" quand il était en colère. Aïe, apparemment c'était un mauvais moment pour le rencontrer. Il avait l'air fortement contrarié pendant qu'il sortait son discours. Cela ne faisait qu'une nuit qu'il était ici, il était déjà intégré à une équipe nommée Mantis, l'une des plus "prestigieuses" apparemment, ce que Amat ignorait, regardant très peu la télévision. Il serait bien rester jouer au poker au Token's Royal d’Édimbourg. Hélas les dettes les dettes. Il fallait voir le bon côté des choses, le rêve que des millions de gosses ont de passer à la télé lui sera réalisé. Youpi.

Amat n'avait encore adressé la parole à personne, à part le "Enchanté, je suis Amat Garrett, c'est classe ici, c'est du marbre ?" suivi de la part de la dame de la réception d'un froid "Quelqu'un va venir vous accompagner à votre chambre, veuillez patienter quelques minutes" après quoi qu'un jeune homme ne vienne le voir en lui disant "Veuillez me suivre s'il vous plaît" et ne l'emmène vers une spacieuse chambre qui servirait à Amat de lieu de repos. On voyait bien que l'OSC avait les moyens de loger plus que correctement ses employés... Après une longue douche et la lecture des papiers de bienvenue, de règles à respecter et du planning, Amat se coucha. Le lendemain il se leva, dégusta son petit-déjeuner et se rendit à la réunion au bureau de Valentin indiquée sur son planning. Donc oui, en effet, la causette avec les autres membres de l'organisation avaient été très limitées.

Bref, voilà comment il s'était retrouvé à cette petite "réunion" ou plutôt rassemblement militaire ultra méga trop sérieux.

Quelques questions furent posées les unes après les autres. Arthur les notait et, après une demi-douzaine de minutes, décida de faire un petit bilan. Non, il ne pouvait pas donner de date ni d’horaire précise pour cette mission; cela dépendrait uniquement de l'apparition des sprinkhaans. Les sédatifs, quant à eux, pouvaient être appliqués via divers biais. Soit des lames très fines imbibées du liquide en question, faites pour blesser sans tuer , soit des flèches et carreaux. Vallen pensa immédiatement aux jumeaux. Leurs talents au corps à corps les rendrait particulièrement efficace lorsqu'il s'agirait de planter leurs armes dans la peau blanchâtre des bêtes. Ethan pourrait également se montrer utile grâce à ses projectiles. Quant à lui, sa tâche serait de superviser cette bataille. Il ne voulait en aucun cas voler la vedette à Anya, mais savait qu'elle préférait mener les troupes une fois au cœur de l'action plutôt que de se préparer en amont. L'idéal serait sans doute d'isoler quelques khaans à la fin du combat. Une question lui vint alors à l'esprit. Très scolairement, il leva la main. Arthur lui donna la parole.

-Le tentacule peut représenter un danger. Peut-on le sectionner?

-Surtout pas. Il nous faut étudier les mécaniques chimiques du coup de jus.

Vallen acquiesça. Si le terrible membre dorsal était coupé, il serait effectivement réduit en poussière, comme toute chaire morte des sauterelles. Et ce n'était qu'une façon de parler. Une fois dénué de vie, les tissus des sprinkhaans disparaissaient, tout simplement. Aucun résidu, pas même de gaz selon les chercheurs de l'organisation. Pourtant, quelque chose titillait le jeune homme, une certaine retenue dans le discours d'Arthur. Peut-être était-il en train de se faire des idées, mais nombre de détails le laissaient perplexe. Le comportement d'Ethan, l'intérêt moindre que lui accordait Valentin...il devait en avoir le cœur net, car quelque chose lui restait en travers de la gorge depuis cette dernière mission. Arthur leur exposa rapidement les hypothèses que lui et son équipe cherchaient à vérifier, pour la forme, puis laissa les deux équipes s'échapper.

Vallen se tourna aussitôt vers Jack Nelson, un membre de Mantis, pour le prendre à parti et lui poser des questions sur cette fameuses mission. Il voulait savoir si ses camarades avaient remarqué quoi que ce soit d'inhabituel, tant dans le déroulement de leur intervention que dans le tempérament de leurs dirigeants. En cet instant, il aurait voulu avoir Nitilde à ses côtés pour profiter de son étonnante capacité à déceler le vrai du faux dans les paroles de n'importe qui. Dès qu'il en eut fini avec Jack, il talonna Violette Melben, mais s'arrêta avant de l'avoir rattrapée. Tout ceci prenait des proportions inappropriées pour qu'il en vienne à suspecter ses amis d'un chef d'accusation dont il n'avait pas la moindre idée. Il lui fallait se tourner vers une personne de confiance afin de faire part de ses doutes et tenter d'y voir plus clair. Sa supérieure directe semblait toute désignée. Vallen se plaça à son niveau tandis que les prédateurs se dispersaient dans les couloirs sinueux.

-Anya, on peut se parler en privé un instant ?

Nitilde se renseignait au même moment auprès de soldats de l’organisation qui lui indiquèrent où elle pouvait trouver Anne. Ce fut entourée de quelques homme qu'elle la retrouva, visiblement en plein milieu de ce qui semblait être une petite vente aux enchères improvisée. En y réfléchissant, il était étrange que sa présence soit tolérée en ce lieu. Elle travaillait parfois directement sous les ordres de l'OSC pour des commandes précises, mais faisait surtout son beurre sur le dos des recrues. Ce n'était ni plus ni moins que du marché noir sous le toit de l'autorité nationale. Enfin, peu lui importait. On la jugeait assez utile pour l'accepter, et cela convenait parfaitement à Nitilde. L'adolescente attendit que son amie en eut fini de son troc puis s'avança à son tour, mains jointes dans le dos. Inconsciemment, elle avait calqué cette posture sur son père adoptif. Si elle ajoutait à la prestance de celui-ci, elle dénotait avec les vêtement décontractés et la tignasse mal coiffée de la rouquine. Elle salua Anne d'un geste de la main.

-Alors, comment ça c'est passé ? Tu as trouvé ce que je t'avais demandé?

"Et bien on ne dis plus bonjour Nitilde ? Trop impatiente hein ?" Elle souri
"Accompagne moi, j'ai encore a vendre dans la salle de repos !"

Les deux jeunes femmes partirent en direction de la grande salle de repos. Il fallait prendre l'ascenseur, et s’arrêter au 16eme sous sol. L'étage entier était une salle de repos. Des milliers de mètres carrés crée juste pour le plaisir des membre de l'OSC, le tout extrêmement bien aménagé, et moderne pour une administration. Reproduction de jardins, grands espaces de passages et de repos, cinéma privé, Bar cozy, salle de jeu enfumé, solarium artificiel... Cet étage était très agréable et ne ressemblait décidément pas aux autres. L'OSC avait mis de gros sous pour le moral de ses troupes !
Des gros sous, c'est justement ce que Anne avait bien l'intention de faire ! Elles arrivèrent dans le plus grand des faux jardins éclairés par des lumières imitant le soleil et dont les mur et les plafonds formaient un demi-globe et diffusaient par électrochimie un paysage montagnard sous le zénith. Aussi faux qu'ils soient ces espaces approchaient à peu de choses près à ce qui se fait à la surface. Bien organisée. Anne sortit une nappe blanche et fini par la remplir d'objets avec l'aide de Nitilde. un porte voix.

"Oyé messieurs, mesdames ! Le service de vente mensuel de Anne est arrivé !"

Quelques personnes (des habitués) arrivèrent tranquillement dans la direction des filles. Et le commerce commença.

"Et bien Anne, la collecte a été bonne on dirait !"
"Plutôt oui, regardez madame, une vielle cartouche de cigarette, en parfait état, si ça ce n'est pas diaboliquement rare, alors je ne sais pas ce qui l'est... Sinon peut être cette antique console de jeu, Nintendo 3DS ! Avec un jeu a l’intérieur ! Le rétro attire de plus en plus de monde, pas vrai Monsieur Jean ?... Le sèche cheveux, oui c'est une bonne idée, il fonctionne en plus ! 120 $ Madame !... Des livres, non pas vu un seul depuis un moment désolé... Oui la montre ne fonctionne plus mais je suis certaine qu'en l'amenant chez un horloger il pourra la réparer, je vous la fait a 100 $ !... Ah ! pas le peine de vous battre pour cette tablette, faisons une enchère d'accord ?... 10€ par timbre monsieur !"

De nombreux curieux faisaient grossir la foule attroupée devant Anne et Nitilde. Anne vendait et négociait, Nitidle s'occupait de l'argent. Les paroles fusaient, tout allais très vite, ces 5 mètres carrés remplis de gens étaient des plus vivants. La fourmilière ne désemplit qu’après une demi-heure. Presque tout avait été vendu. Anne était satisfaite !

"Bien, c'est un bon début, j'ai déjà vendu un quart de ce que j'ai récupéré. J'ai presque remboursé mes frais !"
"Oh j'y pense !"

Elle fouilla comme a son habitude 2 bonne minute dans son capharnaüm avant d'en sortir un gros moteur de moto, modèle XV950R. Le modèle de Nitilde !

"Et voila ma grande, l'attente en valais le coup non ? ça fait quoi ? 7 mois que tu l'attends celui la non ?

Nitilde semblait aux anges, elle ne pu s’empêcher d'enlacer Anne.

"J'ai deux conditions avant de te passer ce moteur ! Première, je te garde comme comptable pendant quelques jours. Et deuxièmement j'aimerais pouvoir disposer de la moto de temps en temps, enfin, si elle marche, mais je n'en doute pas ! Alors ? Ça marche ?"

Pendant ce temps la, Au 20eme sous sol, Alexis travaillait avec John et son équipe. Ils en étaient toujours au débriefing du prototype de nano-shield. Cela agaçait promptement les deux hommes depuis quelques jours. Personne ne semblais d'accord quand a la source d’énergie à utilisée en remplacement de la pile à deutérium, Alexis et John avaient beau le pouvoir de possédé le dernier mot, il n’étaient pas d'accord sur d'autres point techniques, tel le générateur de nano-drone, ou sa cadence de production, et donc l’énergie consommée. La quinzaine d'homme et de femme ressemblé autour de la table tonnaient. Le cirque durait depuis des heures et Alexis dans un élan d'écœurement et de bonté décidait de suspendre la séance à demain (une fois de plus)

"John, vient avec moi, j'aimerais te présenter à quelque un ! Elle m'as dis qu'elle serait dans la zone de repos, et je t'avoue qu'une petite pause ne me ferais pas de mal. Double raison d'y aller non ?"

Les deux hommes quittèrent la salle en dernier et se dirigèrent vers l’ascenseur.

Les notes de stratégies s'entassaient devant Anya. Quand bien même elle laissait Vallen gérer l'engagement du combat, elle voulait néanmoins comprendre parfaitement comment la bataille serait coordonnée, et quelles étaient les meilleurs moyens de capturer les Khaans. L'idée des sédatifs semblait être un très bon commencement, mais que se passerait-il si cela ne fonctionnait pas? Et attirer une sauterelle directement dans sa cage ne serait il pas plus efficace? Cette mission inquiétais un peu la capitaine de Mantis. Jusqu'alors, ils ne s'étaient battus que pour tuer. Aujourd'hui, ils prendraient un "otage". Il étais d'ailleurs très étrange qu'après autant d'années de conflits, ils ne cherchent que maintenant à capturer et étudier un khaan. Quelle énorme erreur stratégique...

Vallen l'intercepta d'un air grave. Hochant la tête, elle le suivit à l'écart.

- Tu vas bien mon ami? Tu as l'air sous tensions, ces derniers temps...

Comme beaucoup de monde à l'OSC, d'ailleurs. C'en étais assez frappant. Elle même se sentait emplie de doute, ne serais ce qu'en regardant les visages d'Ethan et Vallen ou lorsqu'elle croisais la petite Nitilde.


Rayns, quant à lui, après avoir assisté à la réunion au sommet, se dirigea vers la salle de formation des récents scam. La sanction que lui avait infligé sa supérieure hiérarchique étais finalement une bénédiction. Les "cours" qu'il donnais à la toute récente élite militaire du pays lui apportaient une certaine sérénité, d'autant plus que ses élèves l'appréciaient lui et ses conseils afin de gérer leurs pouvoirs. Il fallait dire que depuis son exil en Australie, l'opération pour devenir scam s'était beaucoup améliorée. Après sa propre opération, Ethan avait mis des mois à s'en remettre... Il avait été malade comme un chien et ne cessait de se téléporter sans le désirer. Ainsi, il arrivait sans trop de mal à gérer et conseiller les récents scam, qui ne souffraient que d'effets secondaires assez mineurs...

Iann marchait dans le dédale de couloirs vitrés, attendant une chose qui ne semblait pas arriver. Tout juste sorti du bureau du chef de l'OSC, il observait ses "collègues" s'éloigner en solitaire ou en petits groupes. Il avait appris certains de leurs noms. Pas tous. Quelques visages étaient reconnaissables, d'autres moins. Jusqu'alors, personne ne semblait lui prêter trop d'attention, et c'était parfait : il aurait été difficile de demeurer discret avec une grande cote de popularité. Un homme seulement lui avait adressé la parole avec sympathie, et Iann avait été forcé de sourire en retour. Cie lui avait fait remarqué à quel point cela sonnait faux, même pour elle, mais comment rester naturel dans une telle situation ? Lui ne se battrait pas aux côtés d'amis. S'il était une mance pour l'OSC, ses membres en étaient également une pour lui. Si jamais ils apprenaient ses véritables intentions... enfin, mieux valait ne pas trop y penser.
La nuit avait été rude. Le jeune homme n'avait pas dormi, écoutant le silence de sa petite chambre, les yeux clos mais l'esprit en éveil. Les heures s'étaient écoulées, lentes et innombrables, avant qu'il n'ouvre les yeux lorsque la voix de Cie avait résonné à ses oreilles pour lui indiquer que quelqu'un approchait. Un messager lui apprenant qu'il était convié à une réunion importante. La tension le maintenait suffisamment alerte pour qu'il ait pu suivre le discours auquel il venait d'assister.
Iann ressenti le besoin de s'appuyer au mur, soudainement affaibli. Un mal de crane le rongeait depuis qu'il était levé, ne facilitant pas les choses. Un moment, le décor paru tournoyer autour de lui, avant qu'il n'inspire profondément et que chaque chose reprenne sa place.

" Vous avez des vertiges, monsieur.
- Sans blague ?
- Peut-être devriez-vous avaler l'une de vos pilules. Faiblir maintenant ne me semble pas une idée judicieuse."

Iann grommela quelque-chose d'indistinct, mais obtempéra sans rechigner. Il n'eut pas besoin de faire passer la pilule avec de l'eau. Combien de fois avait-il répété ce geste ? C'était devenu une habitude. Peut-être même aurait-il pu le faire sans en avoir conscience. Il poussa un soupir, puis jeta un oeil à sa montre, dont l'écran n'affichait aucun nouveau message. Avant de l'envoyer en mission, le Haut Chasseur l'avait prévenu qu'il pourrait lui expédier quelques informations importantes en cas de pépin, ou des ordres précis. Perdu au milieu de tous ces monstres mutants, Iann espérait presque qu'il se passe quelque-chose d'improbable ou de dangereux, afin de retrouver un visage allié.

" Et moi, je compte pour du beurre ? rétorqua Cie avec sarcasme. Sa voix électronique tenta vainement de mimer un ton outragé, et le rendu fut assez désagréable à l'oreille.
- Théoriquement, tu n'as pas de visage."

Il y eut comme un petit grésillement, et l'écran de la montre disparut pour laisser place à un smiley jaune et souriant. Iann ricana et secoua la tête, avant de reprendre sa marche. Les vertiges avaient disparus, même si la migraine persistait. Ses pensées se dirigèrent vers la mission dont on leur avait parlé, et il se rendit compte d'une chose : si tous les conseils étaient clairs et s'il avait une vision précise de ce qu'il serait censé faire, il n'avait en revanche jamais tué le moindre Sprinkhaan. Des monstres, oui, ça, des dizaines mêmes. Y avait-il une grande différence entre les deux ? La question lui paru bizarre, voire un peu bête. Mieux valait se renseigner, après tout ce serait stupide de finir avalé par une de ces créatures. Aussi emboîta-t-il le pas d'un homme portant un chapeau à larges bords et une barbe soigneusement taillée. Visiblement, il était nouveau lui aussi, ce qui faciliterait peut-être les choses.

" Plutôt intéressant ce meeting, non ? Il va y avoir de l'action apparemment. " Iann marqua une pause, avant d'ajouter : " Vous avez déjà combattu des Sprinkhaans ? "

Vallen s'étonna d'entendre son amie lui adresser la parole sur un ton si formel. Il fallait croire que la montée en grade impliquait également un léger changement de registre. Pour autant, seul l'essentiel lui importait. D'un rapide coup d'œil, il s'assura que personne ne les suivait alors qu'ils s'engageaient vers l'aile Est. Ils n'avaient en réalité rien de particulier à faire là-bas, mais le jeune homme préférait qu'ils soient à l'abri de toute oreille malvenue. Les autres membres de Mantis et le personnel en règle générale sachant que ces deux scams étaient proches, nul ne s’interrogea sur la nature de leur soudain isolement. Dès qu'ils furent en tête à tête, Vallen prit la parole, suffisamment bas pour s'assurer que les micros intégrés aux caméras de surveillance ne pourraient rien enregistrer d'audible.

-Anya, j'ai un doute. Je sais que c'est moi qui l'ai recommandé pour notre équipe, mais je n'ai pas totalement confiance en Ethan. J'avais envoyé Nitilde sur le coup, mais avec ce qu'il s'est passé la dernière fois...À vrai dire je ne sais même pas ce que je cherche, mais je suis certain qu'il se trame quelque chose. Tu trouves pas ça au moins étrange que l'attaque de Zurich soit tombée pile au moment où le sujet des nano-cures était évoqué, et que les khaans s'en prennent aux manifestants ?

Évidemment, cela ne prouvait strictement rien. Et quand bien même, qu'est-ce que cela aurait pu prouver ? Ces accusations n'étaient pas rationnelles. Vallen perdait son sang froid. Adolescent, il se considérait comme un véritable génie, aux capacités largement supérieures à celles de ses homologues. Le cours des événements lui avait démontré qu'il était loin d'être le prodige qu'il se disait, et l'humilité s'était imposée à lui. Depuis, il croyait dur comme fer que chacun avait un grain de sel à apporter à la mécanique complexe du monde, ou, à moindre échelle, au bon fonctionnement de Mantis. Malgré tout cela, plus par habitude que par dédain, il aimait avoir connaissance de toute chose, être mis au courant de la moindre décision, de la moindre action. Vallen était homme à avoir la situation en main. Ce qui n'était pas le cas.

╠═╣

Nitilde, quelques étages plus bas, avait accepté sans broncher de jouer aux comptables au service de son amie. Plus le temps passait, plus elle l'appréciait et l'admirait. Encore une fois, lorsqu'elle lui tendit cette pièce pour laquelle elle avait sans doute bravé vents et marrées, elle ne put que la trouver incroyablement courageuse, ingénieuse, et généreuse malgré les apparences. En règle générale, il n'y avait pas d'échanges monétaires entre elles. Anne lui trouvait ce dont elle avait besoin les rares fois où Nitilde passait commande, et celle-ci payait à coup de services rendus, grandement facilités par la position de la fille Aënis dont les passe-droits étaient légion au sein de l'organisation. Cette pensée apporta un élément de réponse à la question que la jeune fille se posait quelques minutes auparavant. Peut-être qu'au final, Anne était tolérée parce que Valentin savait qu'elles étaient amies. Mais cette hypothèse fut bien vite chassée. Elle ne tenait pas à accorder un bon point à son père. Pas après tout ce qu'il avait fait.

-Bien sûr que tu pourras l'essayer ! répondit-elle à l'interrogation de la ferrailleuse. Il faut juste que je finisse de l'assembler, je crois que je vais faire ça tout de suite. Si t'as besoin de n'importe quoi, fais moi signe !

Chargée de son paquetage métallique, l'adolescente repartit vers l’ascenseur qui la mena jusqu'au rez-de-chaussée. Certains la dévisagèrent sur son passage, scrutant l'objet dont l'utilité était plus que discutable tant les nouveaux moteurs le dépassaient en performance. Les garages se profilèrent après quelques intersections, et Nitilde se hâta sans omettre de saluer les mécaniciens qui travaillaient d'arrache-pied à la réparation des bumpers endommagés ces dernières semaines. Ces engins coûtaient une fortune à entretenir mais en valaient indéniablement la peine. La rouquine alla déposer sa précieuse pièce sur un plan de travail, tout proche de la carcasse suspendue de son deux-roues incomplet. Elle tira de la poche arrière de son pantalon la petite tablette qui lui servait de plan, puis mis les mains dans le cambouis.

Scrutant son ami avec inquiétude, Anya réfléchit à ses doutes. Bien sur, Ethan étais à elle aussi un grand sujet à questionnements. Son efficacité sur le terrain était indéniable, mais son incapacité à suivre les ordres les plus capitaux avait de quoi inquiéter. Quant à Zurich, Vallen semblait sombrer dans la paranoïa. Quel rapport pourrait-il y avoir entre les nano-cures et les Khaans?

- J'admet qu'il est préoccupant de voir le temps qu'a mis l'OSC à nous avertir chuchota la jeune femme. De là à affirmer un rapport entre les attaques et la manifestation, cela semble assez fou, tu ne penses pas? Pourquoi les Khaans attaqueraient ils des manifestants? Je pense que leur attaque étais d'avantage lié à la manufacture d'arme... Je ne comprends pas vraiment où tu veux en venir Vallen...

Vallen répondit, dépité et franc, qu'il ne savait rien non plus. Ses doutes venaient plus d'une impression que d'observation de faits, soit l'opposé de sa méthode habituelle. Au moins, si Anya était au courant, il savait qu'il disposait d'une paire d'yeux et d'oreilles supplémentaires. C'était toujours bon à prendre. Que faire à présent pour tirer cette affaire au clair ? Le jeune homme prit congé de son amie et laissa ses pensées s'envoler au rythme du claquement de ses talons sur le sol métallique. Il ne voulait pas insister auprès de Nitilde, laquelle refuserait sans doute d'épier une fois encore l'homme à qui elle devait son très récent semblant de liberté. Ça, il pouvait le comprendre, et il appréciait bien trop l'adolescente pour lui imposer une tâche si ingrate. En parler à Valentin n'aurait servi qu'à se placer ouvertement contre Ethan, or se retrouver à couteaux tirés au sein d'une même équipe n'apporterait rien de bénéfique en cas d'erreur. Ethan y verrait là un semblant de complot, ou une forme d'élitisme du fait de la complicité entre le dirigeant de l'OSC et le second de Mantis. Vallen fut alors bousculé.

-Oh, excusez-moi ! Vous allez bien ?

L'homme, de taille moyenne, avait des cheveux noirs coupés courts et une paire de lunettes à monture épaisse. Il portait des vêtements de civil, aussi devait-il être assigné à la comptabilité, le poste de surveillance, ou toute autre activité annexe de l'organisation. Pourtant, Vallen ne se souvenait pas de l'avoir déjà croisé, alors qu'il vivait ici depuis plus d'une décennie. Aguichant comme à l'accoutumée, le scami lui adressa un large sourire.

-Pas de problème. Je ne crois pas vous connaître.

-Nils Bowman, fit-il en lui serrant la main. Je viens d'arriver...

Un silence trop long s'ensuivit. Nils scrutait Vallen de haut en bas, de bas en haut, comme s'il cherchait la moindre tâche sur son uniforme. Ses yeux s'arrêtèrent sur son visage. Il le jaugeait. Avec une telle acuité que cela en devenait troublant.

-...encore désolé. Bonne journée, monsieur Arvaleon.

Puis il repartit sans demander son reste, laissant à Vallen le soin de s'interroger. Le fait qu'il connaisse son nom ne l'étonnait guère. Malgré lui, il avait acquis une certaine popularité. Il ne s'en vantait pas, mais la situation n'avait rien pour lui déplaire. Ce Nils était au moins étrange, mais son intervention inopinée avait au moins remis les idées du jeune homme au clair. Il y avait quelqu'un avec qui il devait parler ; c'était d'ailleurs ce qu'il aurait du faire dès le début. Il descendit jusqu'à une salle du huitième sous-sol, où de jeunes recrues avaient droit à un cours particulier dispensé par Ethan. Vallen frappa à la porte avant d'entrer, attirant aussitôt les regards de jeunes gens ayant déjà entendus parlés de ses exploits. Peut-être que parmi eux, l'un s'était enrôlé pour lui ressembler ; tout comme lui à l'époque avait pris Anthony pour modèle.

-Salut tout le monde. Je vous prive de votre professeur un moment. Enfin, s'il veut bien. Ethan, on peut parler quelques minutes ?

Amat s'ennuyait ferme depuis la fin de la réunion. Après sa sortie du bureau de Valentin, il faisait mine de se balader et de regarder avec admiration les somptueux couloirs de l'OCS alors qu'en réalité il cherchait la sortie des employés du bâtiment depuis maintenant deux heures. Il avait plusieurs fois pensé à simplement demander de l'aide, mais de quoi aurait-il l'air ? Comment une personne se perdant dans les couloirs de son nouveau lieu de travail pourrait-il aller combattre des sauterelles géantes ? Au bout de ses longues heures de recherche, il finit par tomber sur un panneau d'indication qui indiquait "Sortie pour employés". Sauvé.

La rue à l'arrière du siège de l'OCS était noire de monde. Tout le monde se pressait, se bousculant les uns des autres dans un capharnaüm infertal. Paris. Une fois dehors, Amat s'aperçut que le soleil commençait à disparaître derrière les gigantesques buildings. Il était resté ici tout ce temps ? Il décida d'aller chercher un casino où passer le temps avant de retourner dormir à sa suite de l'OCS. On lui avait fourni un peu d'argent comme première paie, mais bien entendu minime par rapport à celle des autres, l'autre partie servant à rembourser ses dettes. Ah oui ses dettes. A vouloir trop jouer, il avait tout perdu. Il serait bête de faire de même avec son "argent de poche".

Il était rentré vers minuit, et arriva à sa chambre qu'une heure plus tard, de nouveau perdu dans les couloirs. Amat fut étonné de voir que même la nuit, l'OCS était très active. Or les lumières allumées et les baies vitrées dévoilant la capital sous son côté nocturne, il aurait été troublant de différencier le jour et la nuit. Amat dormit comme un bébé. Hélas au milieu de la nuit (en tout cas ce qui semblait être le milieu de la nuit pour Amat) quelqu'un eu la maléfique idée de venir toquer à sa porte. Grommelant, Amat sortit de son lit, s'habilla rapidement et ouvrit la porte.

- Oui c'est pourquoi ?!

-Une réunion monsieur.

Il ne manquait plus que ça... Amat se mit à chercher l'ascenseur lorsque qu'un jeune homme avec les cheveux blonds vint lui parler avec un sourire un peu forcé. Amat pouffa silentieusement. Sûrement un bleu comme lui voulant faire bonne impression.
-De l'action hein ? Il était temps. Et pour ton information, je suis nouveau chez les exterminateurs de sauterelles géantes, alors non, pas vraiment. Amat Garrett, pour vous servir. Et toi ? Je suppose que tu es aussi nouveau que moi...

Les problèmes s'amoncelaient sur le bureau d'Anya. En plus de devoir gérer les nouvelles recrues de Mantis, elle devait maintenant régler le problème de la fiabilité d'Ethan, et la soudaine paranoïa de Vallen. La jeune femme hésitais fortement à demander son avis à Valentin. Elle se demandait comment son prédécesseur faisait pour gérer tous les problèmes face auxquels elle étais confrontée... Elle aurait voulu lui poser des questions, l'interroger... Elle ferait peut être bien de demander conseils aux autres chefs d'équipes de l'OSC, même si elle doutais que ces derniers puissent lui apporter des réponses aux problèmes qu'elle considérais comme inédits.

Ethan venait de se téléporter pour esquiver une malencontreuse boule de feu envoyée par un novice lorsque Vallen fit interruption. Lançant un regard noir, mais non dénué de fierté au novice, il lui déclara :

- Il est très impressionnant que tu puisses concentrer ton pouvoir d'une telle façon dans un stade si peu avancée de ta formation, mais je préférerais que tu commences par travailler ta précision, avec des flammèches...

Puis scrutant Vallen, l'air éreinté, il demanda à ses élèves de ne pas utiliser leurs pouvoirs sans sa présence, puis sorti en compagnie du stratège de Mantis.

- Bonjour Vallen. Qu'est ce qui vous amène ici?

Avec l'indifférente droiture qui semblait lui être propre, ou du moins qui semblait l'être, Ethan le rejoignit dans le couloir, à l'abri des oreilles trop curieuses des nouvelles recrues. L'idée n'était pas de cultiver le secret, bien au contraire ; si ces jeunes gens devaient devenir leurs futurs compagnons mieux valait instaurer immédiatement une relation de confiance. Pour autant, les détails embarrassants seraient dans un premier temps réglés en privé. L'image de marque de l'OSC en dépendait en partie. Vallen s'éclaircit péniblement la voix. Il n'était pas des plus assurés, surtout face à des hommes aussi charismatiques. Il hésita entre plusieurs approches puis, décidant que tout cela commençait à traîner en longueur, privilégia le passage en force.

-J'ai l'impression que quelque chose vous travaille. Je ne sais pas si c'est simplement le fait de revenir ici, ou bien autre chose, mais...j'aimerais en avoir le cœur net. Il m'est important de pouvoir accorder une confiance aveugle en chacun des membres de Mantis.

La réponse qui en découlerait serait fondamentale. Les mains du jeune homme se baladèrent entre ses hanches, son dos, son torse et ses poches, pour finalement revenir à celles-ci et s'y installer dans une inconfortable moiteur. Il était stressé et peinait, comme toujours, à le dissimuler. Nils se déplaçait impunément dans le siège de l'organisation, passant d'un étage à l'autre. Lorsque quelqu'un de trop curieux l'abordait, il s'inventait une identité. Quand il croisait à l'inverse une personne qui l'intéressait, il la bousculait et se présentait sous son vrai nom. Nils Bowman. Les soupçons ne tarderaient pas à croître, mais il ne serait déjà pus là le moment venu. Au pire des cas, s'ils parvenaient à le faire prisonnier, ils n'arriveraient pas à lui soutirer la moindre miette. Il ne pouvait pas perdre, car il ne craignait pas pour sa vie. Du coin de l'œil, il observait Iann. Ce garçon ne semblait pas à son aise. Cette apparence maladresse faisait peut-être partie de son plan, à supposer qu'il en ait réellement un. Nils savait pour La Chasse, et était au courant pour leur agent infiltré. Encore une affaire à suivre avec attention, d'autant qu'il n'y était pas tout à fait extérieur. C'était lui qui avait lancé la rumeur stipulant qu'un espion sévissait dans les rangs de l'OSC. Un petit coup de pied dans le fourmilière.

Ethan sentais bien le malaise de Vallen, mais il trouvais sa requête assez déplacée. De quel droit le jeune homme, une connaissance bien récente pour le scami -bien que membre de son équipe- se permettais t-il de poser de telles questions? Sa loyauté, selon les dires, indéfectibles à l'OSC n'inspirais que bien peu de confiance au quinquagénaire, qui se plaça tout de suite sur ses gardes. L'attitude de Vallen, ainsi que sa gêne, ne montraient rien de bon selon Ethan. Le scam étais t-il sous pression en ce moment, coupable d'un crime quelconque pour aller de la sorte déranger son collègue en plein cours? Il réclamais la confiance d'Ethan, mais tout semblais indiquer qu'il cachait quelque chose.

- Pourquoi me poser cette question, Vallen? Avec tout le respect que je vous dois, j'ai déjà répondu sincèrement à Valentin quant à l'incident vis à vis de Nitilde, et je peux vous assurer que je n'ai fais que dire la vérité.

Un rictus déforma le visage de Vallen. Il n'avait aucunement eu pour idée de provoquer une réaction agressive de la part de son interlocuteur. Sans doute y était-il pour autre chose, après tout. Il faisait de son mieux au quotidien pour être le plus aimable envers tous ceux qui le côtoyaient, tentait de leur inspirer confiance, voire affection. Mais il était normal qu'Ethan ne se laisse pas amadouer. Après toutes ces années d'exil, une certaine inhibition avait du reprendre le dessus. Vallen se rendit compte qu'il s'était fourvoyé. L'approche frontale constituait une bien piètre stratégie, et il ne pouvait en aucun cas se permettre d'être cru sous couvert d'honnêteté. Difficile de se débarrasser des mauvaises habitudes. Au moins, Nitilde était évoquée. C'était un bon point. Il se retrouvait en terre connue. Un léger sourire apparut au coin des lèvres du scami, tant pour nier toute hostilité que pour se rassurer lui-même.

-Il ne s'agit pas de Nitilde. Je la connais bien, et elle t'es reconnaissante pour ce que tu as fais pour elle, même si elle n'a pas vraiment eu le temps de te le dire. Tu sais, je peux me targuer d'être un des soldats les plus proches de Valentin, mais malgré ça...

Vallen pivota discrètement, s'assurant une fois encore que personne ne les suivait. On était jamais trop prudent, surtout lorsqu'il s'agissait d'un sujet possiblement grave. Sujet qui absorbait tant les pensées du second de Mantis qu'il ne s'était pas rendu compte que le tutoiement s'était installé ; routine due au fait que tous les membres de ladite équipe se connaissaient personnellement et coupaient court aux formules de politesses depuis bien longtemps déjà.

-Malgré ça je crois qu'il nous cache quelque chose, continua-t-il. Je travaille ici depuis des années, une dizaine, et je sais qui travaille où, qui est chargé de quoi. L'erreur commise à Zurich n'aurait jamais du arriver, c'est absolument insensé. J'ai plusieurs hypothèses. Soit quelqu'un est infiltré dans la base, et ne m'en veux pas mais je pense entre autres à toi ; soit l'OSC a tendu un piège à cet infiltré sous couvert d'une erreur ridicule. Tout me laisse à croire, en tout cas, qu'il s'est passé quelque chose pendant ou avant cette mission.

Si Ethan n'était aucunement impliqué, il n'aurait pas de raison de se sentir agressé et réagirait calmement, comme à son habitude. S'il avait quelque information, il pourrait les transmettre à Vallen ou à quiconque d'autre en qui il pouvait faire confiance. Enfin, s'il était ce supposé agent double, il serait forcé de mentir. D'une manière ou d'une autre, son visage finirait par trahir ses paroles. Vallen doutait toutefois d'être capable de le déceler le moment venu.

Ethan s'étouffa d'un rire cynique. Vallen parlait-il sérieusement?

- Est-ce une vulgaire manière de m'effrayer si, comme tu le penses, je suis un possible espion? Et si j'en étais bien un, pourquoi donc m'amuserais-je à attirer l'attention de l'OSC sur moi, juste pour faire voir l'air frais à Nitilde?

Encore hilare, Ethan essuya les larmes qui constellaient ses joues et sa barbe

Le quinquagénaire reprit : "Et qui est assez naïf pour croire que notre employeur est aussi blanc que neige? En plus d'être un entrepreneur des plus compétents, c'est un politicien. Et avec tout le respect que je te dois Vallen, tu ne connais rien de la face cachée de l'iceberg. Cette entreprise a été secrète pendant des années, avant d'être propulsé au sommet du monde civilisé. Crois tu vraiment en la si belle vertu de la transparence prônée par le grand Aënis lui même?

Le scami marqua une pause, avant de se rapprocher d'avantage du jeunot. Leurs visages étaient à peine quelques centimètres l'un de l'autre. On voyait une certaine rancœur dans les yeux de l'ancien exilé.

- Toute ma jeunesse, je l'ai passée entre des murs semblables à celui-ci. Comme Nitilde, d'ailleurs. L'interdiction d'évoquer ne serais-ce que son nom ne t'a jamais mis la puce à l'oreille? En tout cas, si je suis ici, ce n'est pas par choix mais par obligation. Envers moi et envers l'OSC. L'organisation ne me laisserait certainement pas me balader où je le souhaite étant donné l'étendue de mes pouvoirs et j'ai une dette envers ceux de notre "espèce". Tu sais, il est drôle de voir l'évolution de nos vies. Pendant la grande guerre, nous étions des armes à tuer, ensuite, nous sommes devenus des cobayes, et maintenant des bêtes de foires, prêtes à gonfler l'audimat télévisuelle. Maintenant, Vallen, je te conseille de taire un peu tes doutes quant à l'OSC, ou aux possibles espions. Dans une situation comme dans l'autre, tu risques plus que de passer pour un imbé...

Le vieil homme s’interrompit soudainement. Nils Bowman venait d’apparaitre à l’intersection d’un couloir…

Vallen parvint à garder le silence, non sans difficulté. Quelques années plus tôt, il aurait sans doute répondu avant au moins autant de virulence, mais son orgueil était dans son dos à présent. Sa suspicion quant à Ethan se dissipait quelque peu, remplacée par une rancœur personnelle. Que n'aurait-il pas donné pour avoir la prestance d'Anthony. Lui aurait su se faire respecter et admirer par l'ensemble de ses hommes, si fort leur caractère soit-il. On ne lui aurait certainement pas parlé comme à un gamin qu'on réprimandait. Mais il fallait faire en sorte que ces considérations n'embrouillent pas son esprit. L'argumentaire d'Ethan était faible, trop faible. Il était évident qu'une certaine frustration filtrait ses mots qui ne convainquirent pas totalement le jeune homme. Vallen tenta de répliquer, toutefois son interlocuteur continuait dans son hostile logorrhée, toujours plus cynique, quand il se stoppa net. Dans le reflet de ses yeux, le scami aperçut la silhouette d'un homme et se retourna pour l'identifier.

-Oh, monsieur Bowman. Égaré ?

Tout sourire, Nils s'approcha du duo. Il avait évidement entendu chaque mot de leur délectable conversation, mais n'était guère enclin à le leur révéler pour l'heure. Derrière la porte de la salle de classe, quelques cadets tendaient eux aussi l'oreille. La montée de ton de leur nouveau professeur avait attiré leur attention. L'homme à lunettes fit mine d'être gêné.

-Il semblerait. Ethan Rayns, c'est un honneur de vous rencontrer, votre réputation nous précède.

Il lui serra aimablement la main en plongeant son regard dans le sien, le tout saupoudré d'un faux air pédant. Se félicitant pour sa capacité à conserver son calme en toute circonstance, Vallen parvint à entamer une conversation qui sonnait vrai, restant courtois tout en tentant avec plus ou moins d'insistance de congédier le nouvel arrivant, au demeurant malvenu. Il voulait qu'Ethan aille jusqu'au bout de sa pensée. Le jeune homme renseignait le nouveau membre de l'organisation sur l'aménagement des lieux, lorsque celui-ci le prit au dépourvu en lui coupant la parole. Un air nouveau s'était installé sur son visage, à des années lumières de celui du stagiaire introverti.

-Vous savez messieurs, vous devriez vous faire plus discrets. Le système de sécurité interne de l'OSC comporte caméras et micros.

Alors quelqu'un les avait finalement surpris. Ce n'aurait été qu'une question de temps, de toute manière, et en référer directement à Valentin ne pouvait que lui apporter du bon. Pour autant, la méfiance de Vallen venait de se catalyser et de trouver un nouveau dépositaire.

-Vous avez raison, Nils. Si cela pouvait rester entre nous pour l'heure...

Nils acquiesça en silence, un sourire figé sur les lèvres. Ses yeux se plissèrent. Une carte supplémentaire venait de s'ajouter à sa main. Comme s'il n'en avait pas déjà assez.

Quittant aussitôt la mine ébahie qu'il avait arboré lorsqu'il avait aperçu l'étrange inconnu, Ethan redressa le dos, fier, et foudroya les deux hommes du regard.

- Je n'ai pour ma part rien d'autre à cacher que ceci murmura t-il en brandissant le badge de l'équipe Mantis que lui avais confié Nils à leur dernière entrevue. Mes opinions sont les miennes, et bien sots seraient ceux qui voudraient me contredire, lorsque je ne fais qu'énoncer un avis lucide sur la situation de notre société.

Ce n'étais pas un signe de défection envers Bowman que d'arborer son présent à la vue de tous. D'avantage une provocation. Ethan ne savait que penser de cet homme, et il ne faisait pas plus confiance à l'OSC qu'à lui. La conversation l'avais mis passablement en colère, et l'intervention de Nils le poussait dans ses retranchements. Se forçant au minimum de politesse possible, il tendit la main au nouvel arrivant qu'il serra rudement avant de déclarer :

- Nils Bowman, un plaisir de rencontrer un admirateur anonyme. Maintenant messieurs, veuillez m'excuser, mais j'ai un cours à assurer.

Et sans un regard, Ethan laissa les deux hommes seuls dans le couloir, retournant dans la salle d'entrainement. Son interlocuteur de Zurich travaillais donc lui même à l'intérieur de l'OSC. Quelle ironie de voir que "l'espion" dont parlais Vallen il y a peu se trouvais juste en face de lui. Il étais presque déçu d'avoir du mettre fin à l'interrogatoire. Le quinquagénaire avais presque pris plaisir à démolir la vision que le scami avait de sa si belle organisation. Plongé dans ses réflexions, incapable de savoir à qui se fier, du militaire borné à l'agent secret, il ne remarqua pas que tous ses élèves le dévisageaient. Reprenant contact avec la réalité, il parcourra ses élèves du regard et déclara :

- Bon, étant donné les circonstances, plus de pratique pour aujourd'hui. Nous ne l'avons jamais fait auparavant, et cela va sans doute en dérouter quelques uns, mais nous allons faire un cours "d'histoire".

Pendant près de deux heures, il fit aux jeunes scams un bref résumé de la situation qui fut celle de leurs prédécesseurs au cours du dernier siècle. Il tenta d'être le plus objectif possible, malgré ses convictions. Passant de la grande guerre, à la surmédiatisation actuelle, il fut surpris de voir à quel point les toutes récentes recrues s'attardaient et s'intéressaient à sa propre vie, de son incarcération dès sa prime jeunesse jusqu'à son exil en Australie. Le professeur n'hésitais pas lui aussi à poser des questions à ses élèves, surtout quant au début de la médiatisation de leurs opérations. Il tentais de les sensibiliser à leur condition hors norme de scam, vis à vis de leurs responsabilités, mais aussi de la discrimination qu'ils risquaient. "L'histoire peut se répéter, ne l'oubliez pas" répéta t-il plusieurs fois. Les élèves lui apprirent des rumeurs selon lesquelles comme lui, certains scams partaient un jour de l'OSC pour disparaître dans la nature, en quête de liberté. Ils épiloguèrent ainsi jusqu'à bien après l'heure de fin du cours et durent se séparer à contre-coeur pour vaquer à leurs différentes obligations. Lorsque les derniers élèves furent partis, Ethan ferma la porte du dojo à clef avec un sentiment d'apaisement. Aujourd'hui, il avait pu faire part de son expérience afin d'éviter que les erreurs du passé ne se répètent.

Nils arrêta son regard sur le badge, rassuré de voir que son potentiel allié l'avait toujours sur lui. C'était essentiel pour le bon déroulement de son plan. Une grande part de hasard subsistait évidemment, néanmoins un échec n'aurait que de minimes conséquences, aussi l'homme à lunettes était-il prêt à prendre le risque. Au pire, ils pourrait passer au plan B, puis ainsi de suite. D'ici peu, les services de sécurité de l'organisation viendraient interpeller Vallen. S'ils agissaient avec un minimum de bon sens, le scami subirait les conséquences de ses actes. Et au vu de son récent larcin, l'OSC ne pouvait qu'agir comme prévu. Le second de Mantis retourna au quatrième sous-sol, à la salle d'entraînement de leur équipe, anxieux. Il avait grand besoin de se défouler. Nils, lui, attendit qu'Ethan en eu finit avec ses recrues pour l'intercepter, et, silencieusement, lui présenter la paume de sa main gauche, jusqu'à lors gantée. Les mots « portez-vous volontaire » y étaient inscrits. Sans un mot, il disparut.

Deux jours passèrent. Une troupe de khaans avait été repérée, au Sud de Londres. Selon leur rythme de marche, ils n'arriveraient aux portes de la métropole que dans quelques heures ; ce qui laissait largement le temps aux prédateurs de se préparer et de les intercepter. Conformément aux ordres de mission édictés par Arthur, Couleuvre et Mantis étaient désignés d'office. Marianna Conrad préparait ses hommes en leur tenant, comme d'accoutumée, un discours formel. Loin d'être nécessaire sur le fond, il avait au moins le mérite de motiver les troupes. Les deux équipes formaient à n'en pas douter l'un des meilleurs tandems imaginable. Aves, bien qu'objectivement supérieure en terme d'efficacité, avait en revanche toujours du mal à inclure leurs éventuels coéquipiers dans leurs stratégies d'attaques. Si tant est qu'elles existent. La plupart des membres de ce prédateur étaient des soldats d'élites, plus compétents les uns que les autres, qui se contentaient d'un carnage innommable dans les rangs adverses à grands coups de charges frontales et fulgurantes. Il n'y avait nul besoin de réfléchir lorsqu'un homme tenait tête à cinquante créatures.

Vallen n'avait pas eut à subir de représailles quelconque, pourtant il se doutait que ses interrogations étaient parvenues jusqu'aux oreilles de Valentin. Celui-ci devait être préoccupé par des affaires bien plus importantes. Le fait était, en revanche, que la relation déjà précaire entre le scami et Ethan s'était détériorée. Il serait difficile de donner des directives à un soldat qui n'avait pas peur de hausser le ton sur son supérieur. Dire que lui aussi était comme ça à l'époque. Le jeune homme enfila son uniforme, renforcée d'épaulières, de jambières et de protège-poignets. Son fourreau se cala entre ses épaules, puis sa large lame vint s'y glisser. Après avoir enfilé ses gants, il fit craquer ses articulations puis détendit ses muscles, avant de finalement s'installer en tailleurs pour faire le vide. Il ne croyait en aucun dogme à caractère religieux, mais devait bien admettre que les méthodes de méditations bouddhistes se révélaient efficaces.

Les garages étaient en effervescence, comme toujours lorsqu'il s'agissait de préparer les bumpers. Bien qu'efficaces, ces engins avaient besoin d'un laps de temps pour faire chauffer les moteurs. Il fallait ensuite les monter jusqu'aux héliports et ils pouvaient enfin démarrer. Au milieu de ce vacarme, le vrombissement du deux-roues de Nitilde passa presque inaperçu. Comme prévu, l'engin fonctionnait. Il avait suffit de suivre les plans à la lettre. Équipée d'une veste en cuir un peu trop grandes et de longues bottes sombres, l'adolescente s'installa à califourchon sur le véhicule et agrippa le guidon. À l'arrêt, c'était déjà grisant. Elle avait hâte de découvrir les sensations procurées par la pleine vitesse. D'ailleurs, elle ne comptait pas attendre bien longtemps ! Anne venait, comme prévu, d'arriver à son tour et s'était placée derrière elle sur la moto. Chose promise, chose due. Un homme s'approcha alors du duo, un semblant de moue sur le visage.

-Mademoiselle, vous ne pouvez sortir seule quand bon vous semble...

-Mais je ne suis pas seule. Anne est avec moi.

La ferrailleuse. Elle ne faisait partie d'aucune équipe de l'organisation et n'y était d'ailleurs pas officiellement employée, mais elle semblait avoir le respect du plus grand nombre, supérieurs y compris. Ce n'aurait toutefois pas suffit pour un employé lambda de Valentin. Le grand patron avait été très clair sur ce sujet : une autorisation directe était requise. Mais après tout, Nils se fichait bien de ces petites règles. Il ne se fit pas prier pour ouvrir la porte et, vive comme l'éclair, la moto s'élança dans les rues de Paris, droit vers l'Ouest désaffecté. Valentin l'apprit quelques minutes plus tard et voulut immédiatement savoir qui était coupable de cette trahison. L'homme en question avait lui aussi quitté les locaux. Une équipe fut envoyée à sa suite. Limstella s'avança d'un pas.

-Je peux aller chercher Nitilde si vous le souhaitez.

-N'y va pas seule. Prends quelqu'un avec toi, n'importe qui. Un volontaire parmi Mantis ou Couleuvre, ce sera parfait.

Limstella s'inclina puis quitta le bureau de Valentin avant de se diriger vers les étages supérieures. Elle rangea le livre qu'elle feuilletait dans son sac, fit un passage éclair dans ses quartiers pour y prendre son arc et son cimeterre, puis monta jusqu'à l'héliport. Un rictus cruel peinait à ne pas prendre le dessus sur son expression neutre. Elle haïssait Nitilde. Cette salle gamine osait défier l'autorité bienveillante de Valentin, et elle comptait bien la lui faire payer. Si elle avait en outre l'occasion de la violenter quelque peu, histoire de lui remettre les idées en place, ce serait parfait. La jeune femme se présenta devant les deux prédateurs, déjà en rangs, qui attendaient l'arrivée des bumpers. Marianna fit silence à son arrivée. Même si la scami d'Aves était une soldate non gradée, son appartenance à la meilleure équipe de l'organisation et surtout son statut d'homme de main de Valentin lui conférait une autorité indiscutable.

-Nitilde s'est enfuie, il me faut un volontaire.

Iann et Amat discutèrent rapidement en se dirigeant vers l’héliport. Amat trouvait que cette discussion sonnait bien trop faux à son goût, mais il fallait bien trouver une raison plausible de rester avec Iann pour connaître le chemin… A peine arrivé, il devait déjà aller sur le terrain. Cela ne le satisfaisait pas du tout. A l’air stressé de son interlocuteur, il n’était pas le seul à être insatisfait d’une telle irruption dans le métier. Il avait appris quelques coups avec ses dagues (arme qu’il choisit en repensant à son passé de petite frappe)  et rapidement évalué son pouvoir de « scami » mais rien de plus. Seules ses expériences aux combats de rue lui seraient réellement utile pendant sa première bataille, n’ayant appris que les bases, et passer pour un bouffon de l’OCS devant des millions de téléspectateurs lui donnait envie de se mordre les doigts. Bien sûr, son ridicule serait évité par le miracle qu’est la magie du montage, mais tout de même… Il avait une future réputation devant ses collègues à tenir !

Arrivée à l’héliport, son regard se dirigea tout de suite vers ce qui servait de véhicule à l’OCS. Malgré son peu d’élégance, on pouvait deviner sa forte puissance rien qu’à regarder la taille énorme des réacteurs. Il jeta un coup d’œil à son collègue qui paraissait tout aussi impressionné que lui. Il monta dans l’hélicoptère de l’OCS, où déjà se trouvait la plupart des membres des équipes envoyées sur le terrain. Couleuvre, et la sienne, Mantis. Amat reconnu quelques visages, ceux de la précédente réunion. Le départ était annoncé dans une dizaine de minutes. Pourquoi ne pas descendre de l’hélico et s’enfuir dans Paris, vivre une vie normale ? Cette idée traversa l’espace d’un instant l’esprit d’Amat. Non. Si ce n’était pas l’OCS qui le retrouvait, ce serait la mafia. Dans les deux cas, il risquait gros. De plus, l’OCS avait accès à son casier judiciaire, et il ne serait pas surprenant qu’il soit d’ores et déjà sous surveillance permanente. Amat soupira. Alors le miracle arriva. Une jolie jeune femme aux yeux verts d’une froideur à vous glacer le sang pénétra dans le véhicule de l’OCS, demandant des volontaires pour aller chercher une certaine Nitilde.

-Ce serait un honneur pour moi de vous prêter main forte lors de cette recherche, ricana Amat avec le sourire ironique qui le caractérisait tant.

Quand, comment, pourquoi, cela lui importait peu. Il pouvait enfin sortir de cette affaire, et cette Nitilde n’irait pas bien loin.

Sitôt que l'annonce de Limstella arriva à ses oreilles, Ethan se prit la tête dans les mains. Il avait été bien naïf de croire qu'une petite escapade suffirait à Nitilde. Non, la jeune fille voulait bien plus qu'une simple ballade dans le parc. Elle voulait être complètement libre de ses mouvements. Mais elle ne comprenais pas que sa fuite ne ferais que resserrer l'étau de la tyrannie autour d'elle. Où que soit la jeune fille, l'OSC étais toute puissante. Ils finiraient par la retrouver, et à ce moment là, la liberté toute relative qu'elle possédais par le passé ne serait qu'un doux souvenir. Le rictus sur le visage de Limstella montrais un très bon aperçu de ce qui attendais la fille d'Aënis. Désireux d'épargner à Nitilde le tourment de se faire attraper par la membre d'Aves, Ethan leva la main, en même temps qu'une nouvelle recrue proposait son aide. Plus nombreux ils étaient, moins il y avait de chance pour que Limstella pose ses pattes griffues sur la jeune fille. Les deux ennemis échangèrent un regard. Ethan étais encore plein de rancœur quant à leur dernière entrevue, dans le parc des Bittes Chaimonts. Coopérer avec une telle mégère ne serais pas une partie de plaisir...

Limstella dévisagea tour à tour les deux hommes qui se proposaient. Amat, malgré sa récente arrivée, avait une sacrée réputation. Son faux air arrogant n'était que de la poudre aux yeux, mais la jeune femme pouvait aisément passer outre ce défaut-ci. Du moment que l'efficacité était au rendez-vous, tout lui allait. Même Ethan. Le récent épisode qui les avait opposé semblait avoir beaucoup plu à la plèbe, qui n'aurait pas hésité à en redemander si elle l'avait pu. Une pseudo-rivalité s'était ainsi installée dans l'opinion publique. Le scami le prenait-il à cœur ? Limstella, en tout cas, n'en avait cure. Elle continuerait de ne pas lui adresser la parole sauf si cela s'avérait absolument nécessaire, mais n'irait pas le titiller non plus. Elle fit signe aux deux membres de Mantis de la suivre après s'être assurée qu'Anya donnait une approbation somme toute futile. Le trio se dirigea vers le rez-de-chaussée et emprunta une automobile militaire, blindée et plus rapide que n'importe quel véhicule. Relativement trapue, peinte en un gris poussiéreux, elle était principalement utilisée pour les interventions rapides, comme aujourd'hui.

Restait à savoir comment retrouver Nitilde. Ils n'avaient que peu d'informations, à savoir qu'elle s'était enfuie suite à la trahison d'un membre dont l'identité était encore incertaine. Anne se tenait à ses côtés, mais toutes deux avaient pris soin de ne pas emporter de téléphone ou tout autre appareil qui aurait permis de les traquer. Il allait falloir retourner aux bonnes vieilles méthodes. Limstella s'installa au volant et alluma l'écran intégré au tableau de bord. Dès que les drones auraient localisés la moto, ils auraient leur itinéraire. À priori, l'attente ne serait pas trop longue tant les deux-roues basés sur d'anciens modèles se faisaient rare. Difficile à croire, mais pourtant une épave telle que celle-ci pouvait facilement dépasser les deux-cent kilomètres à l'heure. Il serait compliqué de la rattraper si les filles décidaient de ne pas coopérer. Finalement, Ethan pourrait se révéler utile. Tandis qu'ils attendaient le signal, Limstella coiffa ses cheveux en une queue de cheval sommaire, pour que ceux-ci ne retombent pas devant ses yeux. Cette petite gène ne la dérangeait pas lors des combats contre les sauterelles, mais avait le don de l'agacer quand elle conduisait. Or elle adorait cela. Pour patienter, elle sortit de sa besace son livre, retrouva sa page et s'y plongea, ignorant royalement la présence des deux hommes.

Quand il avait entendu la nouvelle, Vallen avait hésité. Nitilde était son amie, et il craignait les réactions excessives de Limstella lorsqu'il s'agissait de contenter Valentin. Il aurait aimé être là au moment où elle se ferait rattraper, ce qui semblait inévitable. Pour autant, il était le second de son équipe et se devait d'être présent sur le terrain afin d'assister au mieux Anya. Cette courte réflexion lui coûta sa place, doublement prise par Amat et Ethan. Ce n'était finalement pas un mal. Il serait débarrassé de cet homme avec qui il ne parvenait pas à s'entendre, et, aussi forte sa rancœur à son égard soit-elle, il savait qu'il tenait lui aussi à Nitilde et ne lui ferait pas de mal. Rassuré, il entra dans le bumper à la suite de ses compagnons. Tout le monde était prêt. Les portes se refermèrent et les engins décollèrent. Leur stabilité était réellement appréciable en comparaison des autres hélicoptères dans lesquels ils s'entrechoquaient presque à chaque virage. Dans leur boite d'acier, aucun son de moteur ne leur parvenait. Les murs isolaient si bien la chaleur que cet espace clos en devenait presque confortable. Vallen inspecta son équipement, sorte de coutume, puis s'approcha d'Anya.

-Une marche à suivre, chef ? fit-il, le sourire aux lèvres.

L'écran leur indiquait qu'ils étaient bientôt à destination. On les ferait atterrir à un kilomètre des sauterelles, afin qu'ils aient le temps de se préparer pour le combat. De ce qu'ils en savaient, leurs ennemis seraient un peu moins de deux-cent, contre une quarantaine de soldats. Un affrontement à première vue aisée, mais il ne fallait jamais prendre ces monstres à la légère. Ils s'étaient déjà montré capables d'élaborer des stratagèmes sommaires et surtout, étaient hargneux. S'ils ne pouvaient l'emporter, ils tenteraient de faire le plus de dégâts possible. Une perte humaine n'était pas envisageable.

Eh ouais, moi je double post, je suis comme ça!


La moto fusait à travers les rues désaffectées du vieux Paris depuis un large quart d'heure. Il avait fallu un petit temps d'adaptation à Nitilde avant de parvenir à dompter la bête. Plus personne ne conduisait de véhicules aussi dangereux au milieu du vingt-deuxième siècle. Mais c'était justement ces risques qui emmenaient leur lot de frisson. Dans le dos des filles, les hauts grattes-ciels se faisaient de plus en plus petits et seul le vacarme de leur moteur rompait l'agréable silence. Ainsi, elles disposaient du calme escompté, mais ne pourraient pas composer longtemps sans le revers de la médaille. Les drones de l'organisation ne tarderaient effectivement pas à les retrouver dans un territoire si vide de monde. Autant en profiter jusqu'au bout ! Nitilde freina soudainement, manquant de basculer par-dessus la selle, et posa pied à terre. Elle ôta consciencieusement ses mitaines chatoyants puis marqua un temps d'arrêt. Tout cela était-il bien raisonnable ? Sa fuite aurait ds conséquences sur elle et sur Anne, même si elle ne doutait pas que son amie avait le bras suffisamment long pour s'en sortir sans encombre.

Ce n'était  toutefois pas ceci qui la travaillait. La raison pour laquelle elle avait été consignée dans les locaux du groupe de son père était un secret difficile à garder. Très peu étaient au courant ; seulement Valentin, Valter et Arthur. L'adolescente avait été tentée de le révéler à d'autres parmi les soldats qu'elle côtoyait le plus souvent, Vallen en tête. Une fois, elle avait failli céder à la tentation. Elle en gardait une marque indélébile. Et la situation actuelle faisait office de parfaite opportunité pour rattraper le coup. Anne était une véritable amie dans la définition que s'en faisait Nitilde, et elles étaient suffisamment éloignées de tout drone, de tout micro. Personne d'autre ne le saurait. Une réplique d'un vieux film lui revint en tête tant le contexte semblait approprié. La rouquine repoussa ses cheveux, lesquels avaient tendance à couvrir une importante partie de son visage, pour révéler sa longue balafre. Elle se racla la gorge pour tenter de rendre sa voix plus grave, curieuse de voir si son interlocutrice allait comprendre la référence.

-Tu veux savoir d'où vient cette cicatrice ?

Le bumper de Couleuvre venait d'atterrir. La troupe de khaan se déployait face à eux, formant une menaçante vague blanchâtre. Marianna observa le ciel gris qui les surplombait. Aucun drone n'avait suivi les prédateurs aujourd'hui. Étrange. Un affrontement direct en terrain vague avait pourtant de quoi satisfaire un public avide de violence. Peut-être que Valentin voulait éviter des questions par rapport à l'absence d'Ethan, rapidement devenu populaire. Déjà, les soldats se mettaient en ligne. Se regrouper aurait renforcé leur défense à court terme, mais les aurait inévitablement condamné à se retrouver encerclés à un moment ou un autre. Le rapport de force était en outre suffisamment déséquilibré pour que l'OSC puisse se permettre de jouer la carte de l'offensive. C'en devenait presque un jeu lorsque la difficulté n'était pas au rendez-vous. Mais il ne fallait pas oublier leur mission ! Tout le monde y avait longuement réfléchi, et Marianna en était arrivé à la conclusion qu'Anya et Vallen seraient les éléments clés de leur réussite. Tous deux pouvaient, grâce à leurs pouvoirs, immobiliser complètement une ou plusieurs sauterelles. Les spécialistes du corps à corps n'auraient plus qu'à injecter le sédatif en espérant qu'il fonctionne. Encore fallait-il que Mantis arrive ! Elle avait une bonne minute de retard. Marianna empoigna les deux tomahawk qui pendaient à sa ceinture. Qu'ils se hâtent !

Anya réfléchit à la question de Vallen. Marianna et elle avaient réfléchi à toutes les alternatives, et en avaient retenu une.

- Nous commenceront par réduire au maximum les effectifs Khaans. Une fois que les sauterelles seront bien affaiblies, tous les scams ayant des capacités permettant d'affaiblir nos ennemis s'en serviront afin de bloquer nos ennemis au maximum, tandis que le reste de nos hommes feront en sorte d'injecter les somnifères sur le plus de Sprinkhaans possibles.

Anya marqua une pause. Le Bumper allait bientôt arriver à destination.

- Toi qui es maintenant plein de suspicions, tu ne trouves pas cela étrange que nous ne faisions que maintenant une capture de l'ennemi? D'autant plus que cela ne nous est plus si utile que ça... Cela fais des années que nous ne subissons plus que très peu de pertes...

La jeune femme se mordit les lèvres. Le défunt Anthony montrais bien qu'ils n'étaient pas invulnérables... La scamt savait que Vallen venait de penser à la même chose qu'elle.

- Ce que je veux dire, c'est que nous gagnons la majorité de nos affrontements. Connaître nos ennemis est le principal mécanisme de la guerre, et nous aurions pu faire cette mission il y a de cela au moins une décennie. Tu ne trouves pas cela étrange?


Ethan ne tenais pas en place. Voir tant de flegme de la part de Limstella l'énervais passablement. De ce qu'il avais compris, Nitilde étais partie avec une mécano dans un véhicule archaïque. Le simple fait de se trouver sur cette "moto" étais un danger pour la jeune fille. Et la scami lisait tranquillement son livre, sans angoisser le moins du monde. Insupportable...

Néanmoins bien conscient qu'ils ne pouvaient rien faire, il décida pour se calmer de discuter avec la nouvelle recrue...

- Amat, c'est ça? Tu es nouveau?

L'adrénaline montait dans le bumper, comme avant chaque atterrissage. Les soldats étaient prêts à en découdre. Vallen buvait les paroles de sa camarade, avide d'entendre des doutes mis en exergue pas d'autres lèvres que les siennes. L'évocation de la mort de son mentor lui pinça le cœur, mais il préféra chasser au plus vite ce ressenti douloureux. Son deuil était fait, et si tragique la mort soit-elle, elle restait inhérente à la vie. La question soulevée par Anya semblait valable de prime abord. L'étude des khaans avait effectivement de quoi être placée au rang de priorité absolue. Cependant, là encore, l'organisation avait des raisons valables pour ne pas avoir fait courir de tels risques à leurs unités auparavant : leurs sédatifs n'étaient probablement pas au point avant la récente échéance. Le véhicule, jusqu'à lors silencieux, se mit à vrombir sous la puissance des moteurs qui adoucissaient leur approche du champ de bataille. Le jeune homme se tourna vers son amie pour lui répondre avant qu'ils n'aient à se jeter dans la bataille.

-Je crois qu'on devra régler la question plus tard.

Les portes du bumper venaient de s'ouvrir, révélant la ligne formée par couleuvre. Marianna se tourna aussitôt vers eux.

-Pas trop tôt ! commenta-t-elle. J'ai bien cru qu'ils seraient sur nous avant votre arrivée. En place tout le monde !

Rompus à l'exercice, les soldats obéirent sans tarder. Bien que les deux femmes soient désormais de même grade, il avait été décidé que Marianna Conrad dirigerait l'opération au détriment d'Anya, du fait de son ancienneté à la tête de son prédateur. Dans les faits, elles travaillaient évidement main dans la main, il ne s'agissait donc que d'une simple formalité que chacun prenait comme telle. Face à cette arrivée massive d'adversaires, la plupart des khaans retournèrent leurs articulations pour se placer sur six pattes en entamèrent leur charge frénétique. L'impact allait être redoutable, et les stupides créatures ne s'en doutaient même pas. Alors qu'une trentaine d'entre elles bondissaient toutes griffes en avant, un imposant mur de métal apparut de nulle part, devant l'intégralité des membres de l'OSC. Les sauterelles s'y écrasèrent et se retrouvèrent à même le sol, sonnées. Le scamt dont cette intervention était l'œuvre se recula pour reprendre ses forces. La contre attaque qui s'ensuivit fut dévastatrice. Vallen, au centre de la bataille, avait invoqué ses vents. Des courants puissants le faisaient léviter à quelques centimètres du sol en lui offrant mobilité et stabilité, tandis que sa lame tranchait sans interruption. D'autres faisaient bien plus de dégâts, mais peu pouvaient se targuer de tenir un équilibre aussi parfait.

Silencieuse au possible, Limstella ignorait royalement la conversation qui s'installait péniblement dans son dos. Du moins elle tentait de l'ignorer. Où qu'elle se trouve, lorsqu'elle lisait, la moindre nuisance sonore parvenait à l'irriter. Elle fut ainsi soulagée de voir que l'écran intégré au panneau de bord s'alluma de lui-même pour leur indiquer la position de celles qu'ils recherchaient. Ainsi, Nitilde avait décidé de passer dans les ruines de l'ancien Paris. Heureusement, elle n'avait pas eu le temps d'aller bien loin et s'était même payée le luxe de ralentir à quelques centaines de mètres de la bordure, se pensant certainement à l'abri. C'était sans compter le système de surveillance de l'organisation, à n'en pas douter le plus complet au monde. Le véhicule démarra brusquement sous l'impulsion de la jeune scami, qui passa largement au-delà des limites de vitesse dès qu'elle le put. Comme d'accoutumée, elle empruntait des routes où la circulation était très faible, ce qui lui évitait de se soucier des passants qu'elle pouvait éventuellement renverser. Les deux mains crispées sur le volant, les yeux plissés, Limstella avait de quoi faire peur. L'automobile déboula sur la placette où s'était stoppée Nitilde. Vive d'esprit et de mouvement, celle-ci grimpa aussitôt sur son deux-roues en intimant Anne d'en faire de même. Le moteur vibrait si puissamment que l'ossature entière de l'antique moto tremblait. Même si ses chances de s'en sortir étaient moindres, la fille adoptive de Valentin ne comptait pas se rendre.